Communément appelé le « Verè » dans le jargon des jeunes camerounais, le prêt de vêtements entre proche prend de l’ampleur. Nombreuses sont les raisons qui expliquent cette tendance.
Le phénomène tient la cote chez les jeunes. Le « Verè » est une pratique d’économie collaborative. Le prêt de vêtements permet de réduire les coûts liés à l’achat de nouvelles pièces tout en ayant accès à une garde-robe variée. Cette approche collective favorise le partage et l’entraide au sein des cercles d’amis. « J’aime les vêtements de marque. Cependant, je n’ai pas suffisamment d’argent pour me permettre ce luxe. Du coup, lorsque je veux faire une sortie dans un endroit chic, j’emprunte souvent les habits de ma meilleure amie, car sa mère lui envoie les habits depuis l’Italie », confie Justine Etoua, élève en classe de terminale.
Les plateformes comme Instagram et TikTok ont transformé la manière dont la mode est perçue et consommée. Les jeunes sont exposés à des styles divers et souhaitent souvent expérimenter sans avoir à investir dans chaque tendance. Le prêt de vêtements leur permet d’accéder à des pièces tendances tout en pratiquant une consommation plus réfléchie.
Cette pratique ne se limite pas à un simple échange matériel, elle renforce également les liens d’amitié. Partager des vêtements crée des moments d’intimité et de complicité. Les jeunes s’engagent dans des discussions sur le style et la mode, renforçant ainsi leur connexion.
Pour beaucoup, la mode est une forme d’expression personnelle. Le prêt permet d’explorer de nouveaux styles sans l’obligation d’acheter. Ils peuvent ainsi expérimenter avec des vêtements qui reflètent leurs émotions ou leur humeur du moment. Les jeunes sont souvent confrontés à des occasions spéciales, telles que des mariages ou des fêtes, où ils souhaitent porter des tenues élégantes. Prêter ou emprunter des vêtements permet d’atténuer le stress financier associé à ces événements tout en s’assurant d’être à la hauteur des attentes.
« Samedi prochain, j’ai été invité à un mariage. Mais le souci, c’est que le thème, c’est vert-blanc. Et moi, je n’ai pas ces couleurs dans ma garde-robe. Je compte demander à un ami de me prêter son costume vert, puisque j’ai déjà un pantalon blanc. Car il est impossible pour moi d’acheter un costume vert maintenant, alors que nous sommes à une semaine du mariage », déclare Dilane Elanga, sans emploi.
Le prêt de vêtements entre amis illustre une transformation socioculturelle auprès des jeunes. Cette pratique est non seulement économique, mais elle témoigne également d’une nouvelle façon de promouvoir l’entraide. Dans un monde en constante évolution, ces jeunes montrent que le partage et la solidarité peuvent être des réponses efficaces aux défis contemporains.
ILS EN PARLENT !
« Les jeunes qui le font pense que, ce qu’ils possèdent n’est pas suffisamment beau ou présentable»
Michelle Adeng Adang, étudiante.
Les jeunes qui empruntent des vêtements, des chaussures ou des perruques pour sortir, agissent souvent sous l’influence de l’idée que ce qu’ils possèdent n’est pas suffisamment beau ou présentable. Cela témoigne d’un manque de contentement et d’une difficulté à accepter ce qu’ils ont. Ils mettent en avant le besoin de « prouver » leur valeur sociale. Cependant, des conflits peuvent survenir entre amis si le vêtement emprunté se déchire. Dans ce cas, le propriétaire peut exiger un remboursement pour acquérir un nouvel exemplaire, surtout s’il n’est pas très proche de l’emprunteur.
« Le partage de vêtements peut avoir des retombées spirituelles »
Emmanuel Ngah Onana
Je pense que ce phénomène découle en grande partie de l’éducation reçue par ces jeunes dans leurs familles. Si des enfants grandissent dans un environnement où il est normal pour un frère ou une sœur de partager ses vêtements, ils intègrent cette culture de partage dès leur plus jeune âge. Cela se poursuit à l’adolescence, où ils commencent à prêter des vêtements à leurs amis. Le fait que, l’on rende un vêtement emprunté, il peut arriver que ceux-ci soient endommagés ou perdus, ce qui peut entraîner des tensions entre amis. Le partage de vêtements peut également avoir des retombées spirituelles. Chacun de nous dégage une énergie, qu’elle soit positive ou négative. Ainsi, en prêtant un vêtement, une personne peut transmettre son énergie négative à l’autre. Cela peut engendrer des conséquences spirituelles difficiles à expliquer et qui méritent d’être prises en compte.
« Je préfère donner mon habit une seule fois que de le partager »
Marie Reine Nyavom, journaliste.
Personnellement, je suis opposé à l’idée que les jeunes se prêtent des vêtements, des chaussures et d’autres effets personnels. En effet, si quelqu’un me demande de lui prêter un vêtement qui m’appartient, je préfère donner cet objet une seule fois, plutôt que de le prêter et de devoir le reprendre par la suite. Les conséquences de cette pratique sont multiples. Par exemple, lorsque vous donnez un vêtement à quelqu’un, il y a de fortes chances qu’il ne vous soit pas rendu en bon état. De plus, si cette personne souffre d’une maladie de la peau contagieuse, vous risquez de contracter cette maladie en utilisant le même vêtement.