Pouvez-vous nous parler de la Semaine des Bibliothèques du Cameroun et de son importance dans le contexte actuel ?
La Semaine des Bibliothèques du Cameroun (SEBICA) en anglais Cameroon Library Week (CALIWE) est une initiative de l’Association des Professionnels de l’Information Documentaire du Cameroun pour l’Afrique (APIDCA) qui vise à rassembler tous les acteurs de l’industrie du livre en général et les bibliothécaires en particulier afin de partager les réflexions et les actions sur les rôles politique, socioculturel et économique des bibliothèques. Elle intervient dans un contexte où l’accès à l’éducation de qualité et à la connaissance est menacé.
Cette menace ne cesse de croitre par la multiplicité des réseaux sociaux et de l’intelligence artificielle. Il est inconcevable pour nous toute politique de développement sans l’implication des bibliothèques qui sont l’instrument par excellence de l’éducation permanente, de la prise de décisions, de la démocratie et du développement culturel de l’individu et des communautés.
Pourquoi avoir choisi le thème “Ma bibliothèque, encore plus proche” pour cette deuxième édition ?
Deux raisons. La première raison est qu’il faut démocratiser l’accès aux bibliothèques. La bibliothèque devra sortir des « quatre mûrs » qui lui sont communément connus pour aller à la conquête des usagers. La bibliothèque doit être plus présente possible au quotidien de l’individu. De la maison familiale au lieu de service en passant par les arrêts bus, les salles d’attente, les jardins publics, les plages, les hôpitaux, les prisons, les orphelinats, on devra disposer les bibliothèques.
La deuxième raison, c’est de promouvoir l’approche « troisième lieu », qui se distingue du 1er lieu (la sphère familiale), du 2ème lieu (le domaine du travail). Le « troisième lieu » renvoie au lieu dédié à la vie sociale de la communauté et se rapporte à des espaces où les individus peuvent se rencontrer, s’échanger, s’informer et se divertir librement.
La bibliothèque encore plus proche regroupe salle de spectacle ou de conférences, salle de cours, salle ou aire de jeux, musée, restaurant, jardin public, cafétéria, etc. On ne devrait plus fréquenter les bibliothèques uniquement pour des raisons utilitaires telles que la recherche scolaire ou académique.
Quelles sont les grandes nouveautés ou les points forts de cette édition par rapport à la première ?
D’abord, la présidence de la cérémonie d’ouverture par Monsieur le Ministre des Arts et de la Culture, représenté par l’Inspecteur des Services n°1, Monsieur Oyono Bitounou Martin Valère. Ce dernier a non seulement noté nos doléances mais aussi nous a rassuré des dispositions en cours au Ministère, entre autres, le projet de construction de la Bibliothèque Nationale.
Ensuite, l’accompagnement grandissant des structures. Cette deuxième édition a bénéficié de l’accompagnement de plusieurs structures : Action Sociale Africaine (ASA), Association pour l’Unité et le Développement de l’Afrique (AUDA), Archives Nationales, Délégation Générale à la Sureté Nationale (DGSN), Ministère de la Jeunesse et de l’Education Civique (MINJEC), Institut Goethe, Société Internationale de Linguistique (SIL CAMEROUN) et les médias tels que le Trihebdomadaire L’Étudiant. Nos sincères remerciements.
Enfin, le nombre grandissant des participants. Plus de 600 participants et visiteurs, 02 bibliothèques universitaires (Université de Douala et de Garoua), des bibliothèques publiques à initiative privée comme le CLAC, 36 participants aux ateliers venant de différentes structures. Leur présence et leur participation active ont donné une coloration significative aux différentes activités (Animation dans les stands, ateliers de formation, dédicaces, concours de lecture en langues nationales, etc.).
Quels sont les objectifs spécifiques de cette édition en termes de sensibilisation, d’implication des communautés et de développement des bibliothèques au Cameroun ?
Spécifiquement, il était question d’établir la situation réelle des bibliothèques publiques du Cameroun, d’organiser les ateliers d’initiation et de spécialisation, d’attirer l’attention des pouvoirs publics et des différents décideurs sur les rôles politique, social, culturel et économique des bibliothèques, établir la cartographie numérique des bibliothèques du Cameroun, promouvoir l’usage du numérique dans les bibliothèques et sensibiliser les professionnels et les usagers sur l’utilisation de l’intelligence artificielle.
Quelles retombées espérez-vous obtenir après cette semaine de célébration des bibliothèques au Cameroun ?
Nous espérons des retombées sur les plans politique, professionnel et socioculturel. Sur le plan politique, la veille à l’application des textes juridiques en matière de bibliothèques et de bibliothécaires au Cameroun. Comme nous l’avons rappelé au Ministre, il existe des textes régissant l’organisation et le fonctionnement des bibliothèques publiques, scolaires et universitaires et qui ne sont pas respectés.
Ces textes prévoient, par exemple, l’allocation des fonds pour l’aménagement de la bibliothèque, l’acquisition et l’entretien du fonds documentaire et le recrutement du personnel qualifié.
Sur le plan professionnel, la participation de tous les bibliothécaires camerounais aux ateliers certifiants programmés. On retrouve parmi les bibliothécaires en service au Cameroun ceux passés par des écoles et ceux formés sur le tas (70%). Ces derniers ne sont pas toujours informés des avancés tant sur le plan juridique, scientifique, infrastructurel que technologique. Sur le plan socioculturel, sensibiliser le public sur l’importance de la lecture et de la bibliothèque.
Il existe en chacun de nous une intimité, connue ou non, avec la bibliothèque. Notre existence est fortement conditionnée par nos pensées et nos connaissances. Comme l’a mentionné le Parrain scientifique, Pr Ekongolo Narcisse, citant le journaliste et écrivain français Jean Chalon, « Il faudrait pouvoir voyager avec sa bibliothèque comme un escargot avec sa coquille ». Autrement dit, nous sommes ce que nous lisons.