L’ambassadeur de la démocratie évoque son engagement au Cameroun pour renforcer la participation citoyenne, en particulier chez les jeunes. Il aborde les défis démocratiques actuels et explique comment ses initiatives, axées sur la prise de parole en public, visent à développer la confiance et l’expression individuelle pour construire une société démocratique solide.
En se basant sur votre parcours, selon vous, qu’est-ce ce qui a favorisé votre sélection en tant qu’Ambassadeur de la démocratie lors des premières assises africaines pour la démocratie tenue en juin dernier ?
C’est assez difficile de répondre à cette question, voire impossible car je n’ai pas connaissance des référentiels qui ont été utilisés par les membres de la fondation pour effectuer leurs choix. Toutefois et de manière un peu candide je veux néanmoins croire que les actions continues réalisées, avec Oraction Cameroun et de manière individuelle, afin de promouvoir la prise de parole en public chez les jeunes camerounais a été un élément décisif. La prise de parole est essentielle à la démocratie, car elle nourrit la liberté d’expression, non seulement pour la presse mais aussi pour chaque citoyen.
Le Cameroun, où la majorité de la population est jeune, a besoin de voix jeunes, informées et confiantes pour construire une société où chacun peut s’exprimer et être entendu. C’est un élément fondamental de notre citoyenneté et de la démocratie elle-même. Je m’engage au quotidien à fournir aux jeunes francophones les moyens de s’exprimer librement et avec assurance pour que leurs idées, espoirs et critiques soient énoncés de manière réfléchie, créative et constructive.
En quoi consiste concrètement le rôle d’un ambassadeur de la démocratie ?
Comme son nom l’indique, un ambassadeur de la démocratie a pour rôle de promouvoir la démocratie au sein de la contrée où il exerce sa mission. Dans mon cas donc, au Cameroun. En ce qui me concerne le déploiement de cette promotion démocratique se réalise non pas en brandissant un drapeau visuel ou sonore de la démocratie mais en se focalisant sur un apport de compétences sociales utiles au renforcement de l’humain présent en chacun d’entre nous. Actuellement, je me concentre sur les compétences oratoires car, en apprenant à exprimer leurs idées avec clarté et confiance, les jeunes s’approprient leur rôle de citoyens. Plus tard, j’aimerais aborder la pensée critique et la réappropriation de l’histoire locale afin de stimuler une réflexion collective sur notre identité et nos valeurs communes.
Par des actions concrètes comme des ateliers, des concours et des espaces de dialogue, j’espère contribuer à une citoyenneté active, à la fois autonome et éclairée, qui nourrira une démocratie durable et bénéfique pour les citoyens sur des générations.
Quelle est selon vous l’importance de la communication dans la promotion de la démocratie ?
La communication, étymologiquement, signifie « mettre en commun ». De même, la démocratie vise à rassembler les citoyens autour de valeurs et de droits communs. Cependant, nous observons aujourd’hui un recul de la démocratie dans le monde : montée des régimes autoritaires en Afrique, manipulations constitutionnelles, et croissance des mouvements extrémistes en Europe. Face à cela, la démocratie doit défendre ses valeurs et rappeler les avantages d’une société ouverte et participative. En France, par exemple, les dernières élections législatives ont montré qu’une communication efficace, informée et transparente favorise une prise de conscience citoyenne. Pour garantir son avenir, la démocratie doit communiquer ses bienfaits et ses enjeux en permanence, et pas seulement lors des crises.
A votre avis, quels sont les principaux défis auxquels la démocratie est confrontée aujourd’hui, notamment en Afrique ?
Ma proposition de réponse n’est qu’un écho du commun créé entre mes observations, les constats de l’organisation AfroBarometer et les réflexions pertinentes et précieuses du ThinkDoTank Wathi menée par l’ainé Gilles Yabi. Instabilité politique et insécurité : Dans des régions comme le Sahel, la présence accrue de groupes armés et les récents coups d’État sapent la démocratie et la stabilité politique. Fragilité des institutions : Dans de nombreux pays, même en l’absence de crises sécuritaires, les citoyens perdent confiance en leurs gouvernements, qu’ils perçoivent comme inefficaces ou corrompus. Corruption : Celle-ci est souvent perçue comme un fonctionnement normal, freinant les progrès démocratiques et l’égalité d’accès aux opportunités.
Manque d’inclusion des jeunes et des femmes : Leur participation, pourtant essentielle pour un renouveau démocratique, reste insuffisante en raison de facteurs culturels, économiques, et éducatifs. L’un des plus grands défis reste l’absence de progrès économiques et sociaux. Sans amélioration tangible de la qualité de vie, les citoyens se détournent de la démocratie qu’ils associent à une simple façade. La solution passe par des politiques inclusives et des réformes structurelles pour redonner du pouvoir aux citoyens et les intégrer davantage dans les processus décisionnels.
Comment mobilisez-vous les communautés pour qu’elles s’engagent davantage dans les processus démocratiques ?
Je n’ai qu’un seul cheval de bataille pour le moment : la promotion de la prise de parole en public chez les jeunes de manière général et plus spécifiquement pour un public francophone culturellement taiseux. J’organise, avec l’appui d’OSC et des quelques amis, des ateliers et des concours de prise de parole où chacun peut apprendre à structurer ses idées et à s’exprimer sans crainte. Lorsque les jeunes commencent à verbaliser leurs opinions, leurs préoccupations et leurs visions, ils prennent confiance en eux et s’impliquent naturellement dans la vie publique.
Que signifie pour vous une démocratie véritablement participative ?
Une démocratie véritablement participative est un système politique où les citoyens ne se contentent pas de voter lors des élections, mais participent activement à la prise de décisions politiques et à la gestion des affaires publiques. Cela inclut des mécanismes comme les référendums, les consultations publiques, les assemblées citoyennes et les initiatives populaires. L’objectif est de garantir que les voix des citoyens sont entendues et prises en compte de manière continue, et pas seulement lors des élections. Ce modèle vise à renforcer la transparence, la responsabilité et l’engagement civique. En outre, une démocratie participative repose aussi sur la transparence et la possibilité pour les citoyens de demander des comptes à leurs élus.
Quels programmes avez-vous développés ou animés avec l’IFC et quels impacts avez-vous observés ?
Les programmes réalisés de concours avec l’IFC à Douala étaient centrés sur mon cheval de bataille : la promotion de la prise de parole en public. En 2024, je me suis occupé d’animer deux ateliers d’un mois chacun avec et au sein de l’IFC. En Mars 2024, dans le cadre de la célébration de la francophonie, nous avons travaillé avec une vingtaine de jeunes. Nous nous sommes intéressés aux fondamentaux nécessaires à la rédaction d’un discours standard. Ils ont appris à insuffler leur personnalité et leurs valeurs dans leurs discours.
L’évolution que j’ai observée chez les participants a été marquée par une meilleure gestion de la peur de parler en public et une relation plus positive avec leur propre parole. (Passage de la crainte à l’amitié, l’amour et la curiosité) En juin, durant les ateliers de vacances, il a plutôt été question de poser son attention sur le débat. L’objectif était d’encourager un dialogue respectueux où les opinions divergentes sont acceptées sans animosité, le « soyons d’accord de ne pas l’être » comme le disait Orelsan. L’impact a été double : les participants ont développé une écoute plus active et une pensée critique, en posant plus de questions et en développant des arguments plus nuancés.
Quelles méthodes utilisez-vous dans vos formations pour rendre la prise de parole en public plus accessible ?
La méthodologie que j’emploie lors des formations varient en fonction du publique cible. Néanmoins et de manière commune à toutes les cibles, je procède par une combinaison équilibrée mais non égalitaire de pratique et de théorie. Je me concentre sur des exercices pratiques, comme les discours improvisés, les débats en petits groupes, et les présentations individuelles, qui aident les participants à s’habituer à l’expression orale. Je m’assure de rester à l’écoute des besoins individuels, tenant compte de la psychologie de chaque participant, car chaque personne a un vécu différent qui influence sa façon de s’exprimer. Oui, je suis partisan de la technique, c’est important. Mais j’accorde encore plus d’importance à l’humain, son âme, sa psychologie, ses blessures, ses casseroles familiales et culturelles sans doute grâce à ma déformation académique de psychologue.
Les problèmes techniques se gèrent efficacement avec un travail ciblé si correctement identifiés. Les lacunes intrinsèquement personnelles beaucoup moins. Non pas qu’elles ne soient pas gérables comme leurs homologues techniques. Mais elles sont souvent méconnues de leurs hôtes, qui marchent dans le déni. L’expérience me l’a prouvée, les meilleurs orateurs, les plus authentiques allient judicieusement Technique et Connaissance intra personnelle. En valorisant cette dualité entre technique et conscience de soi, je cherche à former des orateurs capables de s’exprimer de manière authentique et connectée.
Comment mesurez-vous l’impact de vos programmes de formation sur les participants ?
J’évalue les progrès des participants selon leur capacité à atteindre leurs objectifs SMART, définis en début de formation. Pour la prise de parole en public, j’observe des indicateurs comme la fluidité, la clarté, et l’authenticité de leur expression. Au-delà des compétences techniques, j’observe aussi leur développement personnel : la capacité à s’écouter, à se connaître et à s’accepter. Les échanges que nous avons après la formation sont également riches d’enseignements : lorsque les anciens participants partagent leurs réussites dans des situations réelles, cela montre que l’impact va bien au-delà de l’atelier.