Le Directeur régional de l’Agence Universitaire de la Francophonie met l’accent sur le processus de mise en œuvre du projet PRICNAC, ainsi que sur les moyens qui permettront d’assurer la pérennité de ce projet.
Propos recueillis par Michelle MBESSA
Quels ont été les critères de sélection des micro-projets dans le cadre du projet PRICNAC
Le projet PRICNAC, c’est un projet qui est très important, financé à hauteur de près de 5 millions d’euros par l’Union Européenne pour encourager la recherche, l’innovation et la culture numérique en Afrique centrale. C’est un projet à gros budget, qui a nécessité de prendre des précautions particulières. Et donc pour cela, nous avons créé un comité de sélection, composé de tous les partenaires, pour pouvoir faire en sorte que ce soit très équitable. Et dans ce comité de sélection, nous avons tenu compte des critères imposés par l’Union Européenne, et d’autres critères que nous avons ajoutés nous-mêmes. Parmi les critères de sélection, il fallait avoir son siège en Afrique centrale, et exister depuis au moins 2017. Et le deuxième critère, c’était d’avoir géré au moins deux subventions de 75 000 euros. Donc ce qui a permis de réduire drastiquement le nombre de candidats, parce qu’il n’y a pas dans la sous-région beaucoup d’entités, notamment dans nos universités, parmi nos chercheurs, qui ont déjà géré des masses d’argent de ce type. Donc à la suite de cela, nous avons regardé les projets qui ont été proposés, et en fonction de l’originalité du projet, mais aussi de la faisabilité du projet, nous avons fait les sélections nécessaires pour pouvoir retenir les 17 projets que nous avons retenus. Et une fois que nous les avons retenus, nous avons soumis à l’Union Européenne, qui a encore vérifié et a validé les 17 projets en question. Voilà en gros la procédure que nous avons utilisée.
Ce projet est une initiative minutieusement ficelée. Le suivi d’un micro-projet s’est fait en combien de temps ?
Alors, le projet existe depuis quatre ans. Donc il y a eu une année de démarrage, et ensuite il y a eu un appel au projet qui a été lancé pour pouvoir recruter une première vague de micro-projets. Et donc les micro-projets ont été mis en œuvre, et pendant toute l’année ils ont été financés. Nous avons suivi avec une procédure stricte de suivi et d’évaluation, pour voir si les besoins qu’ils ont exprimés étaient des besoins réels. Ensuite on leur a donné un financement, et on a vérifié derrière ce qu’ils ont fait de ce dernier. Donc c’est un suivi à plusieurs étapes que nous avons mis en place, mais un suivi conforme aux normes internationales qui existent dans le cadre de mise en œuvre des projets internationaux.
Le chemin a certainement été semé d’embûches. Quels sont les défis rencontrés durant la mise en place du projet ?
C’est vrai que la mise en place du projet est particulièrement complexe, parce que c’est de là que se déterminent les choses. Pour le cas de PRICNAC, c’est un projet avec plusieurs partenaires. Parmi ces partenaires, il y a Obréal Global, le REIFAC, le CAMES, l’Agence Universitaire de la Francophonie, il y a l’Association des Universités Africaines. Donc dans un premier temps, il fallait déterminer le rôle de chacun de ces partenaires, pour savoir qui fait quoi, quand et comment. Et une fois que ce travail a été fait, maintenant il a fallu se lancer, et c’est là qu’on va être confronté aux problèmes contextuels. Par exemple, un micro-projet qui est financé pour produire tel matériau, a besoin parfois des intrants, et ces intrants ne peuvent pas être disponibles dans le pays. Il va les commander à l’étranger, et vous vous rendez compte que parfois les intrants n’arrivent pas, et du coup la durée qu’on avait prévue pour le projet, pose un problème. Parfois il peut y avoir des problèmes administratifs, des longueurs administratives, mais aussi le fait qu’on a des procédures qui sont très complexes, et qui ne sont pas parfois comprises par nos interlocuteurs. Parce que nous, nous appliquons les piliers européens, nous appliquons les normes européennes qui sont très strictes. Donc du coup, quand on nous envoie un rapport, on vérifie si ce rapport est conforme à ce que nous demandons ou pas. Donc il y a beaucoup d’allers retours qui se font, et cela peut également faire durer la procédure. Après cela, il y a le contexte dans lequel nous sommes. Nous sommes en Afrique, on sait que le contexte africain est assez particulier. Donc là aussi, il y a des difficultés qui peuvent être liées au contexte dans lequel nos micro-projets évoluent.
Quelles sont les perspectives futures du projet PRICNAC ?
Le projet PRICNAC est un projet très intéressant, très important. Là, il arrive à terme, et tout notre espoir, c’est qu’il puisse être poursuivi. Mais pour qu’il soit poursuivi, cela ne dépend pas de nous, cela dépend surtout de nos différents partenaires, notamment nos partenaires financiers, qui sont l’Union Européenne. Donc nous essayons de travailler avec eux pour voir dans quelle mesure ce projet peut être reconduit, renouvelé, réactualisé. Mais au-delà de ça, nous avons mis en place un cadre pour pouvoir pérenniser cette action. La pérennisation, ça ne passe pas uniquement par les aspects financiers. Nous avons, par exemple, créé un réseau de micro-projets PRICNAC. Donc, on les a mis ensemble, et ce réseau va leur permettre de pouvoir travailler synergie. Là, on a commencé le travail de partage d’expérience. Mais ce qui est intéressant pour nous, c’est qu’on voit, on arrive à voir ces micro-projets commencer à collaborer entre eux. Que les micro-projets du Cameroun travaillent avec ceux de la RDC, que ceux de la RDC travaillent avec le Congo, et ainsi de suite. Et ce travail peut permettre aussi d’aller lever des fonds qui ne sont pas uniquement des fonds de l’Union Européenne. Donc, c’est ce travail que nous sommes en train de faire, et c’est surtout sur ça que nous comptons beaucoup, parce que nous pensons que les efforts pour pouvoir se développer doivent partir d’abord de nous-mêmes, et le trajet ne peut que venir nous assister.
On a pu voir la satisfaction dans les yeux des porteurs de projet. Comment comptez-vous pérenniser l’impact du projet PRICNAC ?
L’impact, c’est qu’on a des résultats importants, intéressants. On peut nommer le fait qu’on a à peu près 2000 étudiants qui ont été formés. On a plus de 120 enseignants qui ont été formés. On a des solutions qui ont été créées, beaucoup de solutions, aussi bien des solutions numériques que d’autres, qui ont été adoptées par les entreprises. On a une dizaine de marques qui ont été créées. On a une trentaine de dépôts de projets. Donc, tout ça, ce sont les résultats du projet PRICNAC. Donc, ces résultats existent. Ils ne vont pas disparaître parce que les marques qu’on a créées vont continuer à exister. Mais ce qui serait bien, comme je l’ai dit tout à l’heure, c’est qu’il y ait une dynamique interne qui arrive à se mettre en place pour que ce projet puisse se nourrir les uns des autres. Qu’on puisse, par exemple, avoir des partenariats, des collaborations entre micro-projets, de façon à aller plus loin. Parce qu’on sait qu’un seul doigt ne lave pas la figure. Il faut que les doigts se mettent ensemble pour avoir un impact intéressant.