Le fondateur de la maison d’édition “Thanks”, partage son engagement pour la promotion des langues maternelles africaines. Depuis cinq ans, il œuvre pour redonner aux communautés locales l’accès à leur patrimoine culturel à travers l’édition de livres en langues traditionnelles, un projet essentiel pour la préservation de l’identité et la diversité linguistique en Afrique.
Pouvez-vous nous parler de ce qui vous a conduit à fonder “THANKS” ?
Nous avons fondé cette maison d’édition dans un esprit de rattrapage, en quelque sorte. Après le décès de ma grand-mère, j’ai perdu mes repères linguistiques et j’ai éprouvé des difficultés à communiquer, notamment lorsque je me rendais au village. Cette expérience m’a poussé à vouloir créer un espace où les personnes vivant des situations similaires pourraient retrouver leur voix et s’exprimer dans leur langue maternelle. Nous avons lancé cette aventure avec l’idée de permettre à chacun de redécouvrir ses racines culturelles et linguistiques. Cela fait maintenant cinq ans que “Thanks” poursuit cette mission.
Comment pensez-vous que l’édition en langues maternelles contribue à la préservation et à la promotion des cultures africaines ?
L’édition en langues maternelles est un levier fondamental pour la préservation et la promotion des cultures africaines. Elle contribue à renforcer l’identité culturelle en permettant aux Africains de se reconnecter à leur patrimoine à travers la lecture et l’écriture. De plus, elle joue un rôle essentiel dans le développement de l’éducation, car elle facilite l’acquisition des connaissances, améliore les résultats scolaires, et développe la créativité et le sens critique. Par ailleurs, elle favorise le multilinguisme, qui est une richesse précieuse pour l’Afrique. Elle offre aussi un moyen d’émancipation aux communautés locales, leur permettant de s’exprimer dans leur propre langue. Enfin, elle permet de préserver et de transmettre le patrimoine culturel immatériel, notamment les histoires, mythes et savoirs traditionnels.
Quels sont les principaux défis que vous rencontrez dans l’édition de livres en langues maternelles ?
Nous rencontrons plusieurs défis. Tout d’abord, il y a le manque de ressources financières. En tant que maison d’édition jeune, nous n’avons pas toujours les fonds nécessaires pour publier les ouvrages qui nous sont soumis. Actuellement, par exemple, nous avons trois ouvrages en langue Ripkag prêts, mais faute de moyens, nous n’avons pas pu lancer l’impression. Un autre défi majeur est la faible demande pour ces ouvrages. Malgré l’introduction des langues maternelles dans le programme scolaire, il reste difficile de vendre ces livres dans les librairies ou même de les promouvoir dans les écoles. Les langues officielles continuent de dominer dans les secteurs de l’éducation et de la culture, limitant ainsi la place des langues maternelles.
Comment la technologie a-t-elle changé le paysage de l’édition en Afrique, et comment cela affecte-t-il “Thanks” ?
La technologie a transformé le secteur de l’édition en Afrique de manière considérable. Elle a ouvert de nouvelles avenues pour la distribution, le marketing et la promotion des livres. Les réseaux sociaux et les moteurs de recherche facilitent grandement la visibilité de nos ouvrages et nous permettent d’atteindre un public plus large. Les outils numériques nous offrent également des alternatives pour la production et la diffusion, bien que cela n’élimine pas les défis liés à l’accès à une infrastructure de qualité pour imprimer et distribuer physiquement les livres.
Quelle est votre vision à long terme pour “Thanks” et pour l’édition en langues maternelles au Cameroun ?
À long terme, “Thanks” aspire à devenir une plateforme de référence pour la création, la diffusion et la préservation du patrimoine culturel camerounais, avec un accent particulier sur les langues maternelles. Nous souhaitons voir ces langues occuper une place centrale dans le paysage éditorial et culturel du pays. Nous projetons d’ouvrir une bibliothèque spécialisée où les locuteurs pourraient apprendre leur langue, de développer des applications mobiles en langues nationales et même de créer un département de production de programmes télévisés en langues locales.
Avez-vous établi des partenariats avec d’autres institutions ou organisations pour promouvoir la lecture en langues maternelles ?
Oui, nous avons déjà des partenariats avec des institutions comme SIL Cameroun. L’ancienne directrice, Freeland Fabienne, et le directeur actuel, Ambassa Apolinaire, ont soutenu notre projet. Nous avons également un partenariat en cours avec Adinkra, dirigé par Touko Armelle, qui diffusera nos ouvrages sur leur plateforme www.adinkra-jeunesse.com. Ces collaborations sont essentielles pour élargir notre réseau et promouvoir la lecture en langues maternelles.
Quel rôle pensez-vous que la littérature joue dans le développement social et culturel d’un pays ?
La littérature joue un rôle crucial dans le développement social et culturel d’un pays. Elle est un vecteur de mémoire collective, un moyen de renforcer l’identité culturelle et d’apporter des contributions au progrès social. La littérature permet de réfléchir sur les problèmes contemporains, de susciter le débat et d’inspirer des changements positifs dans la société.
Proposez-vous des formations ou des ateliers pour aider les auteurs en herbe à développer leurs compétences ?
Actuellement, nous ne proposons pas encore de formations spécifiques, mais c’est un projet en cours. Nous disposons d’une salle de conférence que nous mettons à disposition des particuliers, et nous envisageons d’y organiser des ateliers d’écriture et de formation pour les auteurs en herbe. Nous travaillons activement sur ce projet.
Comment la diversité linguistique influence-t-elle le choix des œuvres à publier ?
La diversité linguistique est un facteur déterminant dans le choix des œuvres à publier. Nous faisons face à plusieurs obstacles, notamment les barrières linguistiques et le manque de ressources pour traduire les œuvres. Il existe aussi un défi financier, car la traduction est souvent coûteuse et n’est pas toujours accessible à tous les éditeurs. De plus, les langues minoritaires sont parfois sous-représentées dans l’édition, ce qui peut limiter la diversité des œuvres disponibles.
Quelles stratégies utilisez-vous pour promouvoir vos livres et atteindre un public plus large ?
Nous avons recours à des stratégies de marketing numérique, notamment sur les réseaux sociaux comme Facebook, Instagram et TikTok, pour créer du contenu engageant autour de nos livres. Nous organisons également des concours pour encourager l’interaction avec les lecteurs. En complément, nous utilisons des méthodes plus traditionnelles telles que les salons du livre, les librairies et la presse écrite. Le bouche-à-oreille reste également un outil puissant pour promouvoir nos ouvrages.
Comment “Thanks” s’engage-t-il avec les communautés locales pour encourager la lecture et l’écriture ?
Nous nous engageons avec les communautés locales en soutenant la publication d’œuvres d’auteurs locaux, notamment ceux issus de minorités ou de régions sous-représentées. Nous publions également des contenus qui sont adaptés aux spécificités culturelles et linguistiques de chaque région, afin d’encourager une lecture plus inclusive et significative.